DÉMOCRATIE et INTERNET

Publié le par PlanetAgora

 

DÉMOCRATIE et INTERNET


La mondialisation ne fait disparaître ni l’État ni la nation qui ne représentent plus des champs clos de l’expérience humaine. Elle suscite une très forte demande de politique qui reste insatisfaite. La crise économique constitue à cet égard un puissant révélateur. Elle est le miroir de la crise du politique qui a jusqu’à présent été incapable d’inventer les modalités pour traiter des enjeux transfrontaliers sur lesquels les politiques nationales n’ont qu’une prise indirecte.


Certains estiment que la façon dont ont été désignés le nouveau Président de l’Union européenne et la responsable de sa politique étrangère contribue à éloigner l’Europe des citoyens désabusés par ce marchandage entre États pour le partage des postes.


Lorsque le référendum sur la construction de nouveaux minarets en Suisse débouche sur un net refus, on s’empresse de dénoncer ce recours à la démocratie directe. Comme si, même dans le cas où les élections qui suscitent une participation modeste aboutissent à la formation de gouvernements qui ne disposent que d’une majorité toute relative, la démocratie devait se limiter au processus électoral.


Ceux qui dénoncent la démocratie d’opinion ou l’indifférence des citoyens semblent se satisfaire d’une gouvernance pilotée au gré des sondages et des intérêts dominants. Et il en est peu pour s’interroger sur le fait que les questions qui concernent les affaires mondiales et donc parmi les plus significatives pour les citoyens ne font guère l’objet de débats à l’occasion des élections et échappent en pratique au contrôle des citoyens. Ni la guerre en Irak ni celle en Afghanistan n’auraient eu lieu si les citoyens avaient été consultés et si avaient pu être mises à jour les manipulations auxquelles se sont livrés des responsables politiques qui n’en rendront jamais compte.


Dans cette perspective, et au lieu de rêver d’un impossible gouvernement mondial et de se satisfaire du directoire des pays riches que constituent le G20 comme le G7 – gardant à l’écart le G172 suivant l’expression d’Abdou DIOUF - , il importe d’imaginer et d’expérimenter des formules qui favoriseront la prise de conscience des enjeux à tous les échelons – local, national, extranational – et la mobilisation pour stimuler la préparation et la prise des décisions qu’appellent les enjeux globaux en appelant tous les acteurs concernés, publics et privés, à s’y engager.


Il faut saluer à cet égard les initiatives prises par divers organismes, et notamment par ceux qui ont participé au Forum européen sur la démocratie personnelle qui vient de se tenir à Barcelone et dont Hubert Guillaud rend compte dans un article publié par LeMonde.fr le 27 novembre 2009

 

 

 

Réinventer la démocratie à l’heure des réseaux et de la transparence, par Hubert Guillaud LeMonde.fr 27.11.09

http://www.lemonde.fr/technologies/article/2009/11/27/reinventer-la-democratie-a-l-heure-des-reseaux-et-de-la-transparence_1273222_651865.html

 

La première édition du Personal Democracy Forum Europe qui s’est tenu à Barcelone les 20 et 21 novembre 2009 a été l'occasion d'explorer plusieurs manièrers de "hacker" et réinventer la politique. Tour d'horizon de trois pistes évoquées.

DÉVELOPPER DES OUTILS DE MASSE POUR TOUT UN CHACUN

Tom Steinberg est le directeur de MySociety, une association britannique qui développe des sites web pour améliorer la vie démocratique. Parmi les nombreuses réalisations de MySociety, Tom présente longuement FixMyStreet (littéralement, “répare ma rue”), un site web permettant aux citoyens de faire part, très simplement, des problèmes locaux, dans leur rue, dans leur quartier. Des problèmes qu’ils voudraient bien voir résoudre par leurs élus (véhicules abandonnés, nettoyage, lampadaires défectueux, graffitis…). Tous les signalements sont documentés et agrégés et chacun est adressé par mail aux services de la municipalité correspondante par le service - libre à eux d’y répondre ou pas. Pour 6500 euros de développement, FixMyStreet a permis de signaler quelque 50 000 problèmes dont la moitié ont été traités et résolus.

Il y a plusieurs façons de faire de la politique et de la démocratie en ligne, rappelle Tom Steinberg. Il n’y a pas que le lobbying, les campagnes électorales ou l’engagement dans les partis politiques qui intéressent les citoyens, il y a aussi et d’abord les problèmes qu’ils rencontrent dans leur quotidien. FixMyStreet adresse des problèmes concrets et publics et les rend visibles, accessibles à tous, transparents. En les rendant visibles, on oblige les autorités à agir.

What do They Know (littéralement, “que savent-ils ?”) est un autre exemple de site réalisé par MySociety. Les utilisateurs choisissent le service public dont ils attendent une information précise et la leur adressent. A nouveau, le site web se charge d’envoyer la requête au service en question, et de publier les réponses obtenues afin que chacun puisse en prendre connaissance. On a le droit de demander des informations à nos autorités et ceux-ci ont le devoir de nous répondre (ce qu’ils ne font pas toujours), précise Tom Steinberg. En portant les demandes en ligne,on change la manière dont les services publics répondent. “Il ne faut pas tant se battre pour la liberté de l’information que pour développer des services concrets qui vont apporter des réponses aux questions des gens”, explique Tom Steinberg. “Le traitement par défaut d’un problème par les autorités est de le considérer comme privé et de le cacher.” Mais c’est en l’adressant publiquement qu’on parvient à le traiter. Le but, explique-t-il, par le biais des démonstrateurs qu’il met en place, n’est pas de créer de nouvelles lois ou de rêver à une société idéale… “On n’a pas besoin de dynamite pour changer les choses”, précise-t-il en évoquant le site de pétitions adressées au premier ministre britannique qu’il a mis en place. “L’information n’est pas suffisante : l’information a besoin d’actions”, clame l’activiste convaincu et convaincant.

Pour cela, il faut s’intéresser aux besoins des gens. “Il faut s’adresser aux gens de la base, car ce sont eux qui vont le mieux comprendre vos projets. Nous avons besoin de relations avec eux pour bâtir de bons services. Ce sont les services transparents qui sont les plus efficaces sites démocratiques. Le service est la clef. Construisons juste des services que les gens sauront utiliser. Personne ne construit des outils de masse pour les utilisateurs européens”, rappelle Tom Steinberg. “Pourquoi alors serions-nous surpris de voir que les gens ne s’intéressent pas à la chose politique en Europe ?”

FAVORISER L’AUTO-ORGANISATION

Scott Heiferman est le président et cofondateur de Meet Up, le célèbre service qui permet de créer des rencontres en réseaux, où les gens s’organisent en ligne pour se connecter et rencontrer localement. Il y a désormais plus de 30 000 groupes sur MeetUp : des groupes de plus en plus internationaux. Les gens s’auto-organisent pour tout un tas d’action, développe Scott Heiferman : pour faire des rencontres politiques bien sûr, mais pas seulement, désormais ce sont des échanges autour du babysitting ou du bricolage qui marchent le plus. Tout peut-être réinventé par les gens qui s’auto-organisent, s’exclame l’enthousiaste Scott Heiferman. Le but de la démocratie électronique n’est pas que les autorités parlent aux gens ou que les gens parlent plus aux autorités, mais que les gens se parlent plus entre eux.

L’information ne fait pas tout. La transparence n’est pas assez. L’information a besoin d’action. Notre droit à nous exprimer librement et à accéder à l’information ne sont pas nos seuls droits. Chacun a aussi le droit de s’assembler et de faire libre association”, mentionne-t-il. L’auto-organisation, c’est ce que l’internet permet de mieux, comme le montre Wikipédia, Twitter ou les échanges P2P. Et ce pas seulement en contre, mais aussi de manière positive ou constructive !

LES VERTUS DE LA TRANSPARENCE

Ellen Miller est l’une des cofondatrices de la Sunlight Foundation, la célèbre association américaine qui est au coeur du mouvement pour la transparence et qui développe des outils technologiques pour la favoriser et pousser les autorités à l’ouverture.

La transparence n’est pas une panacée pour nos démocraties, car nos démocraties sont compliquées. Mais force est de reconnaître qu’en tant que citoyens, nous naviguons dans le noir sur la manière dont fonctionnent nos gouvernements, explique Ellen Miller. En ce sens, la technologie est une révolution, explique-t-elle avant de revenir en détail sur l’histoire américaine de ce mouvement et sur les multiples réalisations qui ont été mises en oeuvre - et d’évoquer Carl Malamud de Public Resource.org qui a développé le System Edgar, OpenSecrets.org ou Maplight.org qui permet de voir comment l’argent influence le vote des politiciens américains, Porkbuster, un célèbre blog qui surveille les gabegies des institutions américaines, OpenCongress.org qui permet aux gens de surveiller et d’agréger de l’information autour de projets de loi et qui a déjà recueillis plus de 100 000 commentaires, FedSpending et USAspending…).

Elle rappelle que nous avons besoin d’informations lisibles par les machines et pas seulement par les humains et que l’une des raisons qui les poussent à faire ce travail est de changer les formats dans lesquels les informations sont produites.

Mais les vrais moteurs de la Sunlight Foundation reposent sur :

  • montrer les vertus du cycle de la transparence

  • changer la relation au gouvernement

  • renforcer la confiance dans le gouvernement.

La transparence, la collaboration et l’engagement sont d’ailleurs pour elle les trois principaux indicateurs de la démocratie. Avec la Sunlight Foundation, Ellen Miller souhaite qu’on passe d’une culture de la consommation à une culture de la cocréation, sur le modèle que commence à esquisser le gouvernement américain qui a libéré des données publiques pour permettre aux citoyens de les utiliser. En termes de participation des citoyens, ce sont assurément les premiers pas qui comptent…

 

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